Ilekvad, Contrée des Rêves
Nous entrons dans la ville. L'atmosphère est paisible et très propre. Les habitants se comportent de façon normale, déambulant dans les rues et se dédiant à leurs tâches routinières. Tout paraît cependant un peu lent - les mouvements des gens, les oiseaux dans le ciel, le souffle du vent dans les feuilles des arbres. Les personnes parlent anglais et nous les comprenons sans peine. Depuis le port, sous la mer, on aperçoit la ville à l'envers, des créatures aquatiques agréables à l'œil nageant sous la surface. Le château et son dôme doré dominent la ville. On ne ressent ni fatigue ni faim. Impression d'être dans une ville préindustrielle mais sans misère sociale. On s'approche de gardes qui jouent aux osselets, on remarque qu'ils portent des habits de courtisans. Jo engage la conversation. Ils nous enjoignent à nous rendre à la Maison Morn, une auberge. Impression que les gens commencent à quitter le port et à remonter dans la ville. Ils ont tous des fleurs à la main. Nous achetons des bouquets pour ne pas faire tache. Au moment de payer, je constate que les billets que j'avais sur moi ont été transformés en pièces inconnues et qui ont cours sur place. Le commerçant nous informe que les gens se rendent à la procession du roi qui a lieu une fois par an afin de le remédier de tous les bienfaits qu'il procure à la ville. Il semblerait que Randolph Carter soit le Roi du Crépuscule qui dirige cette ville. Nous suivons la foule. Nous apercevons le roi qui descend en tête de la procession : il porte un ample manteau noir bordé de dorures et marche sur les fleurs jetées par la foule sous ses pas. Le visage du roi est caché par une grande capuche. Derrière lui, nous voyons un gentleman anglais bien habillé. Réalisant qu'il s'agit d'Alastair, Charles l'interpelle et il nous reconnait avec émotion. Nous le rejoignons dans la procession derrière le roi et nous nous réjouissons de retrouver notre ami.
Nous arrivons dans un jardin en bord de mer, dans lequel se trouve un petit temple de style romain. Le roi en ouvre les portes en bois et y entre. Il ferme les portes derrière lui et sous les cris de joie de la foule. Il s'agirait d'un culte à Kiran d'après ce que le vendeur de fleurs nous a dit. Alastair semble un peu planer. Il prétend avoir du mal à se concentrer. Il se sent bien. Il dit avoir été soigné. Il nous raconte que dans le château seul vit le roi avec un automate humanoïde - que le temps n'a pas de prise ici car c'est toujours le crépuscule.
Au bout d'un moment, nous remontons au château avec Alastair. J'aperçois un chat, un Maine Coon noir avec une balafre sans poil au dessus d'un œil, qui semble nous suivre et nous observer. Je m'approche de lui et tente de l'amadouer. Il miaule dans ma direction. Burke se met à lui parler et il semble répondre en mioutant. Tous les autres comprennent ses miaulements, sauf moi ! C'est bien ma vaine. Il leur dit qu'il sert le roi de son plein gré et nous surveille car nous sommes de nouveaux venus. Selon ses dires - miaulements - le roi du crépuscule lutte contre le Chaos rampant mais le chat, Amra, prétend qu'il est trop absorbé par ses études et qu'il protège moins bien la ville. Le chat s'inquiète de bateaux et de marins qui n'auraient pas dû pouvoir accoster dans la ville. Il craint que des serviteurs de l'ennemi ne se soient infiltrés dans la ville.
Le chat trouve les gens plus distraits. Il prétend être le seul chat éclaireur dans la ville. Il aurait été banni du royaume des chats car il avait visité la lune, lieu dangereux (risque de contamination) dans lequel on croise les sacrifiés du Chaos rampant, apportés par des vaisseaux noirs. Leur sacrifice permettrait de créer des gemmes de sang (à l'aspect de rubis) objets de pouvoir pour les cultistes. Il dit également que la ville de Pandora est sous l'influence de l'ennemi. Le chat n'a jamais vu l'automate qui se trouve dans le château. Il nous faut en parler au roi.Palais impressionnant, d'une richesse incomparable. J'ai l'impression d'être dans un conte oriental, du moins l'idée que je m'en faisais enfant. Jardins avec fontaine dans l'enceinte du palais. Le chat va se poser sur un banc en pierre. Les portes en bois géantes s'ouvrent à peine ma main posée sur l'une d'elles. Salles monumentales - lustres - mosaïques - marqueterie - meubles de prix - bibliothèques géantes dans lesquelles nous trouvons sans peine les livres souhaités (des illustrés coquins de jolies sirènes pour ma part). Mes compagnons s'absorbent vite dans la lecture mais au bout d'un moment se plaignent d'avoir le sentiment de lire sans vraiment retenir le contenu de l'ouvrage. Nous découvrons un petit théâtre plein d'automates qui applaudissent un spectacle présenté sur scène. Une musique en provenance d'un gramophone nous attire dans une salle où nous retrouvons Randolph Carter qui nous attendait. Il a visiblement terminé ses prières au temple.
Carter semble un peu perdu. Il n'est pas vraiment capable de nous dire de quelle époque il vient et ne se souvient pas de notre rencontre en Egypte antique. Le roi ne mange pas mais il boit beaucoup - une sorte de liquide doré. De la bière ? Alastair m'avoue que je peux avoir tout ce que je souhaite ici... cela m'ouvre des perspectives ! Pratique le monde des rêves. Carter pense que c'est le vieux Bundari qui nous a envoyés ici pour nous protéger après nos exploits contre le culte. Carter dit que le vieux sage lui a déjà rendu visite et qu'Alastair est arrivé quelques mois auparavant pour être lui aussi protégé grâce à Bundari.
L'automate entre dans la pièce pour regarnir la table - mon plat préféré, comme c'est aimable ! Il ne répond pas à mes questions.
Nous posons des questions à Carter pour savoir ce qui lui est arrivé et comment il est devenu le roi de cette ville. Il répète qu'il ne sait plus bien quand il est arrivé, de façon fortuite, dans cette ville. Après moultes aventures et rencontres souvent compliquées, il s'est retrouvé à Kadath. Nyarlathotep lui a proposé de diriger ce royaume mais il a refusé et s’est enfui avec l’aide de Nodens, ce qui a déplu au Chaos rampant. Réfugié à Ilekvad, Randolph a contribué à la rendre meilleure et protectrice pour les habitants. Roi dès son arrivée, il a fait en sorte que tous vivent bien. Il a fui Nyarlathotep longtemps. Celui-ci a même tenté de l’emmener jusqu’à Azatoth, mais à chaque fois Randolph a réussi à le repousser.
Carter nous évoque alors le culte de Yig, dieu des hommes serpents. Ce peuple aurait mis au point un artefact qui permettait à des entités de prendre possession de corps. Randolph a été détaché de son corps, qui est parti dans le passé quand son esprit est parti ailleurs - à l’intérieur du corps d'une créature de Yaddith. Il a alors voyagé jusqu’à une planète dévorée par un Dhole. Il nous parle d'une clé d’argent qui permet d’accéder à des portails vers d’autres endroits. Il rêve de transcender sa condition d’homme : il a vu Umr At Tawil (Yog Sottoth) et est devenu le roi de cette ville et depuis, médite sur de grands problèmes. Il existe un plan fondamental auquel il veut accéder : se détacher des contraintes de son corps pour ne faire plus qu’un avec Nodens !! Hum, il n'a pas l'air frais le roi de cette ville... je me demande ce qu'il picole... surement pas de la bière, finalement !
Charles se lève soudainement et s'excuse, souhaitant bonne nuit à la tablée. Jo et moi nous éclipsons pour vérifier que le masque d'Ayama est toujours dans son sac. Nous pourrions peut-être le proposer à Carter. Je sens qu'il ne faut plus tergiverser et tout donner pour détruire ces abominations qui nous ont suffisamment gonflés. Peut-être avec l'aide de Nodens, nous pourrions en arriver à bout, et Carter semble plus expérimenté - ou plus fou - que nous. Il pourrait peut-être réussir.
Mode cauchemar
Phobies déclenchées chez Padraig : Countermanie (héroïsme face à des situations effrayantes) - Hamartophobie (Conscience aigue du péché)
Je quitte Jo pour aller me coucher... si ce lieu exerce tous les rêves, la nuit devrait être sympa ! L'illustré aux sirènes m'a donné des idées. Après tout, il a suffi que je pense à la tourte à la bière pour en découvrir à foison sur la table ! Il y avait même de la Guinness. Je me serais cru à la maison. Je choisis une porte au hasard, pose ma main sur la poignée et imagine un lieu cosy dans lequel m'attendrait une douce sirène au visage ressemblant à celui d'Ada Thorn. J'entre, plein d'espoir. La chambre est cosy mais pas de trace d'Ada ou d'une quelconque sirène. Un coussin à fanfreluche évoque vaguement un animal marin. Je suis dépité. La nuit s'annonçait moins intéressante que prévue. Fatigué, je ne m'attarde pas sur mes fantasmes ridicules mais je ne parviens pas à m'endormir vite. Je suis gêné par un bruit qui vient d'une vieille armoire... une sorte de bruit de tuyauterie, comme si il y avait une fuite et que l'eau goutait. Incapable de détourner mon attention de ce bruit dérangeant, je sens une sorte d'angoisse me saisir, une sensation d'étouffement, comme si je me trouvais dans un lieu clos au milieu des fonds marins... et que la maudite nef cédait aux assauts de forces obscures qui faisaient sauter les joints et provoquaient des fuites qui engloutiraient tous ceux qui se trouvaient dedans au plus profond des abysses. J'ai soudainement le sentiment de me retrouver des années en arrière, alors mécanicien à bord du sous-marin au large d'Innsmouth. Pris de sueurs froides, j'arrache mes draps et me précipite dans le couloir. Pourquoi revêt-il l'aspect d'une coursive de sous-marin, ses murs lambrissés étrangement parcourus de tuyaux et de plaques métalliques inexistantes jusque-là ? Je titube jusqu'à la chambre de Charles dont la porte est restée entre ouverte. Je la pousse en entendant Charles appelant de façon insistante un chat. Il est recroquevillé sous ses draps et me regarde d'un air hagard. Il me demande si j'ai aperçu les chats. Il semble étrangement triste quand je réponds par la négative. Je fais le tour de la pièce pour m'assurer que tout est normal mais je réalise que sa chambre ressemble à s'y méprendre à une cabine de sous-marin. Pris de panique, je me jette dans son lit en lui proposant de le partager. Une partie de mon esprit est persuadé qu'il s'agit d'une illusion, l'autre que je commets un péché inavouable. Dire que je rêvais de passer la nuit avec une Sirène... et me voilà sous les draps avec un vieil homme ! Charles semble lui aussi avoir peur. Il s'accroche aux draps. J'entends à nouveau des gouttes d'eau qui tombent quelque part dans la chambre... sous le lit ? Nos autres compagnons débarquent alors. Jo semble chercher des plans du château et demande à Burke ce qu'il a noté durant le dîner sur son calepin. Celui-ci est préoccupé par la pénombre et allume toutes les lampes à sa portée. Alastair nous rejoint, en panique, perdu dans un rêve sombre où il semble revivre la guerre. Soudain, nous sommes aveuglés par une explosion de lumière et je perds connaissance.
Je me réveille dans un endroit humide, froid, inconfortable. Il fait nuit, je suis à l'extérieur et j'entends à présent les explosions et les tirs qu'évoquait Alastair en criant. Je suis à moitié écrasé par d'autres corps et le mien est plus ou moins englué dans une boue molle et visqueuse. Des ordres secs nous parviennent. Je distingue alors mes compagnons, habillés en troufions de base, portant la casaque et le casque des soldats anglais, fusil au dos et bardas complet pour une offensive. Nous sommes dans les tranchées, en pleine guerre. L'officier en charge de notre groupe nous hurle des ordres, prétendant que nous sommes pris en tenaille, qu'il faut aller à la rescousse d'un autre bataille dans la forêt d'Argonne. Nous suivons sans comprendre, persuadés de mourir à chaque pas. Les explosions sont incessantes, la fumée et le bruit nous empêchent de penser, de comprendre, de nous orienter. Au bout d'un moment, on voit des traces dans la boue, à terre... Le sergent les examine en bougonnant. Il s'agit en fait de nos propres pas : nous tournons en rond ! Je remarque sur un rocher près duquel je suis arrêté des signes gravés : mes compagnons et moi enlevons la mousse qui le recouvre et apparait un symbole d'œil égyptien (le même que Burke tenait entre ses mains en haut de la pyramide ? le signe de la lumière et des ténèbres). Le sergent s'énerve et finit par craquer une allumette pour tenter de se repérer sur son plan. Jo se précipite dans sa direction pour récupérer la carte mais il est projeté en arrière par l'explosion qui décapite l'officier. Le feu a signalé notre position ! L'ennemi fond sur nous et nous subissons un assaut violent : grenade, mitrailleuse, projectiles jetés depuis la voie aérienne. Je m'échine contre le rocher où j'ai découvert le signe, persuadé qu'il s'agit d'un passage. J'aperçois à peine Charles et Alastair tomber sous les coups et du coin de l'oeil, Burke qui fouille les poches du sergent pour en arracher les allumettes. Ce con va nous en craquer une autre, à tous les coups ! On va tous crever. Une explosion gigantesque fait trembler le sol en nous soulevant de terre... un obus... je me sens retomber et glisser sans pouvoir m'accrocher à quoi que ce soit. Le rocher a cédé et je suis entraîner dans un flot de boue dans un trou sans fond. Quand je m'immobilise enfin, je redresse la tête pour apercevoir Charles gémissant, le bras de Jo qui s'agite, Burke qui émerge. Je suis près d'Alastair. Il gémit et tend un bras vers moi. Il me demande de l'achever. Je l'assomme. Je comprends sa détresse mais Dieu ne me le pardonnerait pas.
Je regarde notre nouvel environnement... une grotte à l'aspect circulaire, comme une vaste salle creusée sous la terre. Les bruits de la guerre et des combats sont sourds et lointains à présent. Burke et moi explorons la cavité. Il craque les allumettes une à une de façon frénétique, comme terriblement effrayé par l'obscurité. Sur les murs rocheux, nous nous approchons d'un symbole cabalistique gravé fait de lignes et de cercles. Alors que nous le fixons à la lueur des allumettes, les lignes semblent bouger. Carter qui nous a accompagné dans notre chute, se met à psalmodier une étrange litanie et les lignes se brouillent ainsi que notre vue. Des flashs de lumière éclairent la grotte comme s'il s'agissait de foudre et les bruits d'explosion se font de plus en plus proches. J'ai le sentiment d'entendre des sons de plus en plus métalliques. Je ferme les yeux.
Je me réveille dans mon lit, dans la chambre cozy que je croyais avoir quittée. Un étrange gong régulier retentit dans tout le palais et la cité. Je sors de mon lit pour m'approcher de la fenêtre. La nuit est tombée sur Ilekvad. Le chat avait raison : les ennemis ont infiltré la ville et nous ont envoyé dans nos pires cauchemars. Une lune gigantesque emplit le ciel : le Chaos rampant nous cherche et veut nous confronter. Je me précipite chez Charles pour lui dire de retrouver le chat Amra mais il est prostré au fond de son lit. Je cours dans le couloir et percute Alastair qui semble aller bien mieux. Il n'est plus blessé : ce n'était bien qu'un cauchemar ! Je lui demande de partir avec moi à la recherche d'Amra afin de solliciter ses conseils pour lutter contre les engeances du Chaos rampant. Celui-ci préfère se chamailler avec Charles qui refuse de sortir de son lit : suite au refus du vieux de sortir de son plumard, il tente de lui arracher les draps de son lit mais Charles y est si bien accroché qu'Alastair part à la renverse au sol. Je vais à la fenêtre alors que Jo et Burke nous rejoignent. Ils sont toujours obsédés par les plans pour le premier et la lumière pour le second. J'observe la cité depuis la fenêtre en espérant y trouver de quoi de rassurer. Il fait si noir... mais la lune éclaire les bâtiments dont les ombres portées masquent une partie de la ville. J'aperçois des petites créatures qui pullulent et sautent depuis les toits et les murets : des chats, pourvu que ce soit des chats !
J'entends alors un bruit d'ailes et sur la surface ronde de la lune, je vois se détacher et grossir des créatures ailées. Plus elles se rapprochent, plus leur taille m'épouvante. Charles a fini par se rapprocher de la fenêtre alors que je criais à mes compagnons qu'il y avait des centaines de chats dans la ville. Il lève alors le regard sur les monstres ailés et les reconnaît : il évoque les chantaks qu'il aurait déjà croisés à Paris avec Jo il y a quelques années. Six de ces créatures se détachent des autres et se dirigent vers le palais en direction du dôme doré. C'est alors que nous apercevons Randolph sur l'une des terrasses qui surplombent la ville près du dôme. L'une des créatures le saisit et l'emporte dans les airs en direction de la lune. Alastair qui vit depuis un moment dans le palais, nous guide jusqu'à la vaste salle sous la coupole dorée. A notre arrivée, le dôme semble se dissoudre, vaciller et laisser place au ciel éclairé par la lune blafarde. Les chantaks entrent dans le palais et se posent autour de nous en cercle, baissant la tête comme pour nous inviter à les chevaucher. Si nous voulons sauver Carter, pas le choix ! Et après tout, il nous faut en finir avec le Chaos rampant. Si la lune est bien son repère, autant nous y rendre sur le dos de ces créatures énormes au cuir fripé. C'est mon moment de gloire! Dieu sera fier de moi. J'agrippe le cou de la bête et je l'enfourche comme mes compagnons. On s'envole vers la lune. Le gong continue de résonner.
Nous volons jusqu'à la face cachée de la lune - cratères - lueurs grisâtres - vallées profondes - groupes de créatures - mines - villages, peut-être même villes. Grands brasiers aux motifs mystiques - grande tour de cristal - nous sommes déposés à son sommet sur un balcon énorme. Forme simple de la tour mais gravée de lignes droites + symboles et chiffres. 4 grandes portes permettent d'entrer. Au loin une silhouette entre le long d'un long couloir bordé de grandes colonnes, Carter sans doute. On le rejoint.
Nous pénétrons dans une salle au centre de laquelle se trouve un trône de plusieurs mètres de haut. A côté de ce siège gigantesque, un géant noir frappe le gong - pierre rouge -qui explose sous l'impact puis se reconstitue. Il souhaite la bienvenue à Carter qui semble subjugué par ce géant que nous reconnaissons alors sans peine : il s'agit du Pharaon noir, un des avatars de Nyarlathotep. Le dénouement est proche ! Je me précipite sur Carter pour tenter de lui mettre le masque d'Amaya que Jo m'a donné mais il ne tient pas sur son visage et tombe à terre. Je le récupère alors et cours vers Jo pour le lui donner sans que le Pharaon noir ne réagisse. Jo le met sur son visage et ses pupilles commencent à se dilater. Pourvu qu'il réussisse à contacter Nodens ! Nous savons que le masque peut contacter certains dieux anciens... mais impossible de déterminer lequel apparaîtra à Jo.
Le pharaon noir se moque de nous en nous apercevant enfin. Son rire et ses paroles caverneuses nous tétanisent. Il veut que nous le servions, nous promettant la transcendance et l'accession à un plan supérieur. Le vieux discours merdique qu'il a servi à tous ceux qu'il a sacrifiés, sans doute. Un discours qui parle à Carter, toujours incapable de reprendre ses esprits. Son offre me met en colère plus qu'elle ne me tente. Je ne sais ce qu'en pense mes compagnons, à part Alastair qui fait une grimace dégoûtée. Je sais ce que vaut ce genre de promesses... j'en ai tant entendu toute ma vie ! Les mafieux pour qui j'ai bossé, les flics, les militaires... Obéis, fais ce qu'on te demande et tu seras adoubé, admis dans le cercle de ceux qui savent et dominent. Finalement, Nyarlathotep n'est pas très original dans les foutaises qu'il raconte. Je l'envoie balader de façon grossière alors qu'il nous invite à remonter sur les chantaks pour terminer notre voyage vers la transcendance. Dans quel cul de bas de fosse a-t-il l'intention de nous jeter ? Je préfère encore crever en tentant de l'affronter ici !
C'est alors que le masque de Jo tombe à terre et qu'il se met à vomir de façon violente. J'ai su plus tard qu'il s'était trouvé face à des chevreaux. Selon Charles, il aurait contacté Shub-Niggurath aux mille chevreaux. Pas vraiment le bon tirage.
Charles se précipite alors sur le masque tombé à terre et le met pour tenter de contacter une autre entité. Ses pupilles se dilatent. Alors que je me demande comment attaquer ce monstre pharaonique, une masse de lumière apparaît entre le Pharaon Noir et nous. Nodens emplie le lieu et fait retentir sa colère face à son ennemi Nyarlathotep : sans plus de procès, il le repousse et le fait exploser dans une orgie de lumière. Je ne me souviens plus de la suite. Je ne me souviens même plus comment je suis rentré ni à quoi ressemblait l'entité.
Le lendemain, je me retrouve avec mes compagnons sur la terrasse du palais, alors que le soleil baigne la cité de sa lumière crépusculaire. Une nouvelle manche gagnée ! C'était inespérée. Charles semble heureux. Je ne sais pas si c'est dû au fait qu'il nous ait tous sauvés en contactant Nodens ou si c'est la vue des chats venus nous saluer sur la terrasse. La bonne nouvelle, c'est que cette fois-ci, j'ai enfin compris ce que disait Amra ! Avec le temps, peut-être arriverais-je à me hisser au niveau de mes compagnons. Je crois qu'il est temps d'accepter l'aide d'Alastair et d'apprendre sérieusement à lire. Je ne suis pas sûr de pouvoir un jour réintégrer mon corps sur la Terre. Il est peut-être entre les mains du vieux Bundari. En attendant, mon esprit a tout le loisir de s'exercer pour devenir enfin plus utile dans la lutte contre ses abominations. Charles pourrait m'apprendre l'histoire et l'art, Alastair m'initier au théâtre et à la poésie, Jo aux premiers soins et à la magie. Quant à Burke, il a toujours été un compagnon inventif en terme de mauvaises blagues qui détendent l'atmosphère. J'irai enquêter avec lui du côté des sirènes et échangerai avec lui quelques-uns des illustrés découverts dans les bibliothèques.
Une dernière chose me taraude... il s'agit de cet automate. Je propose à me compagnons de l'observer et de le démonter. Après tout, il servait avec zèle la boisson dorée dont Carter se régalait avant de monter sans broncher rejoindre cette ordure de Chaos rampant. Alastair semble se réjouir à l'idée que je détruise la poupée mécanique : elle semblait lui procurer une sainte horreur. Sous les yeux médusés de mes compagnons et de moi-même, alors que je m'attelais à ma destruction mécanique, nous découvrîmes que l'automate était creux et accueillait en réalité Petiboo qui s'en servait comme exosquelette depuis sa chute du zeppelin au dessus de la Manche. Cette crapule avait donc bien survécu à sa chute. D'un commun accord, et sans procès, nous l'entraînâmes sur l'une des terrasses du palais et sous les feulements des chats, nous lui donnèrent une nouvelle occasion d'apprendre à voler en le balançant dans le vide au dessus de la ville.
Carter se réjouit de ce dénuement inattendu et de la compagnie que nous lui offrions, nous proposant de devenir ses conseillers et de poursuivre, au crépuscule, notre œuvre salvatrice pour l'humanité.